Je ne sais plus trop à quoi je m’étais attendu. Mais probablement pas à ça.
Le monde vira au gris bleuté. Je perdis de vue les gens, les choses, les sons qui m’entouraient pour entrer dans un monde trouble et assourdi. Je regardai autour de moi, confus. Je l’aperçus, assise à quelques mètres de moi.
J’avais sûrement en tête des images de grand squelette, couvert d’un manteau noir et maniant une faux aiguisée comme un rasoir.
Mais pas à un grand chien au regard triste. Le seul point commun était la couleur, noire, effectivement. Je n’ai aucune de la race, je ne pense pas que ça en était une qui existait vraiment. Je me souviens m’être dit qu’il ressemblait à un chien de berger.
Le chien, donc, me fixait de son regard triste. Au bout d’un moment, il s’approcha de moi et me lécha la main. Mécaniquement, je lui caressai la tête. Je me sentis un peu mieux.
Il s’avança alors dans une direction qui me semblait être complètement due au hasard. Mais il se retourna et m’attendit en me regardant. Je cédai, et le suivit. On avança un long moment comme ça. Des heures ? Des jours ? Aucune idée, mais on finit par arriver auprès d’un groupe.
Il est difficile de décrire les âmes des autres. Je voyais à la fois des personnes, et en même temps de vagues taches blanchâtres, des spectres aux formes indéfinies. Personne ne parlait. Moi non plus.
Le chien, ou la Mort, nous emmena tous avec lui. Ce nouveau voyage fut beaucoup plus long, et beaucoup plus éprouvant. On traversa des espaces vides et noires, et d’autres blancs et aveuglants. On nagea dans des sortes d’océans étouffants, et marcha dans des déserts secs et harassants.
Le chien nous guidait. Mais notre esprit s’égarait, comme s’il lui manquait une ancre à laquelle se raccrocher. Alors il apparaissait d’un coup, courant et aboyant, et nous ramenait vers le troupeau, car c’est bien ce que nous étions. J’ai honte de le dire, mais je ne pense pas avoir été le meilleur, et avoir eu ma bonne part de remises dans le groupe.
Mais un chien de berger ne fait pas que mener, il protège également. Et c’est de ces moments-là que je me souviens le mieux.
Il tournait la tête d’un seul coup, tous les membres tendus. Il s’éloignait alors et disparaissait à notre vu. Mais on entendait les bruits. Ses grognements menaçants. Et ses aboiements féroces.
Je ne savais pas, avant cela, qu’un esprit pouvait avoir peur, mais c’était des instants où je me retrouvais glacé, et implorant discrètement que notre guide nous revienne.
Et il est toujours revenu. Je n’ai jamais vu ce qu’il chassait, mais la Mort, lentement mais sûrement, fidèlement, nous mena vers la prochaine étape de notre voyage.
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