Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

La marchande de cerfs-volants


– Bonjour.

– Oh, euh, bonjour, petite.

La femme, habillée de manière stricte, en costume et tailleur, regardait autour d’elle, l’air confuse. Elle se trouvait sur une face blanche et molletonneuse, qui s’étendait à perte de vue sans relief, jusqu’à toucher le ciel entièrement bleu à l’horizon. Elle se retourna vers l’enfant qui l’avait apostrophée.

– Dis-moi, tu ne saurais pas où on se trouve, par hasard ?

– Si, bien sûr.

Elle attendit un moment.

– Et, euh, on se trouve où ?

– Sur un nuage.

Regard circonspect autour d’elle.

– Comment ça, sur un nuage ? On ne peut pas être sur un nuage.

– Bah, si, on est sur un nuage. Vous êtes tombée sur le nuage.

– C’est n’importe quoi.

– Oh, je sais mieux que vous. C’est la première fois que vous tombez sur un nuage, alors que moi je connais. Vous aviez qu’à faire plus attention à pas tomber dans votre rêve.

La femme regarda ses pieds. À bien y réfléchir, ça ressemblait à un nuage… Comme on se l’imagine, dans les jeux d’enfants, quand on s’imagine qu’on peut grimper dessus. C’était tout blanc, tout mou, un peu élastique, on s’imaginait facilement pouvoir s’allonger dessus en rebondissant légèrement.

– Mais si c’est un rêve, il me suffit de me réveiller.

– Ah non, vous pouvez pas. Vous êtes tombée de votre rêve sur le nuage. Faut d’abord redescendre, maintenant que vous êtes là.

– Quoi ? Mais comment je fais ça ?

– Bah justement, je vends des cerfs-volants. Ils peuvent vous permettre de redescendre.

Elle regarda en l’air, là où pointait la petite fille. Tendus au bout de fils, elle aperçut… Des cerfs. Volants. Ils étaient tout gonflés et les pattes étendues sur le côté, mais c’était indéniablement des cerfs, sabots et bois compris.

– Il faut pas s’inquiéter, vous craignez rien une fois que vous partez avec. Vous pouvez pas vraiment le lâcher et retomber.

– Mais je n’ai pas d’argent…

– Ça fonctionne pas avec de l’argent ici. Vous devez payer avec des rêves.


Elle se réveilla en sursaut au bruit de son réveil. Elle l’éteignit avant de se frotter les yeux avec les paumes des mains, en se redressant dans son lit. Elle se souvenait encore de la sensation étrange quand elle avait attrapé la corde et qu’elle s’était fait emporter dans les airs, à la fois tractée par la main et en même temps soulevé par… autre chose et rien en même temps. Et elle se souvenait très bien de l’instant de pure terreur lorsque le nuage s’était ouvert sur le vide.

Mais, par-dessus tout, elle ressentait quelque chose, un manque au fond d’elle-même, quelque chose qui était parti mais dont elle n’arrivait pas à se souvenir.


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