Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

La capsule


Mike était avec Javert dans son appartement miteux, logement anonyme dans un bloc délabré. À travers les persiennes tordues filtraient les lumières de la cité la nuit : phares mal réglés, néons publicitaires bourdonnants et drones trop bruyants. Mais les deux ignoraient tout cela.

Ils vibraient d’excitation.

Javert tenait dans sa main une petite bille rose, de la taille d’une noisette. Les deux l’observaient avec des yeux brillants. Enfin, Mike demanda :

– On y va ?

– On y va.

Et Javert la prit dans sa bouche et l’écrasa entre ses dents. Rapidement, il se saisit du visage de Mike avant de l’embrasser à pleine bouche, mélangeant leur salive, et la substance avec. Ils se séparèrent, puis se serrèrent l’un contre l’autre, souriant nerveusement en attendant que l’effet monte.

Il ne tarda pas.

Des sensations montèrent en chacun, doucement puis de plus en plus fortes. Elles commencèrent avec le son, une musique, forte, très forte, aux graves puissantes et claquantes. Vint la température, la chaleur, et ensuite la moiteur de l’air autour d’eux. Le toucher se manifesta, des frôlements, des pressions, celles de nombreux corps autour d’eux. L’odorat arriva brusquement, des odeurs fortes, de parfums capiteux mélangés à une sueur piquante.

La sensibilité monta, et ils purent sentir des muscles s’activer comme s’ils étaient les leurs, jouer sous leur peau au rythme de leur danse. Encore un peu, et ils ressentirent les vibrations, la résonance entre leurs os et la musique.

La vue mit le plus de temps à s’installer. On en est habituellement trop dépendant. Les images se superposèrent, d’abord ténues, surtout les flashs de lumière. Mais bientôt ils purent voir la salle complète, les lampes et les néons, et des centaines de gens trop bien habillés, buvant trop d’alcool, s’agitant devant un groupe de musique sur une scène trop surchargée.

L’effet dura quelques dizaines de minutes, intenses.

Mike et Javert s’étendirent, serré chacun dans les bras de l’autre, la peau collante de sueur. Ils riaient nerveusement, ils étaient fiers d’eux-mêmes, et heureux de l’expérience.

Les capsules étaient loin de se trouver à tous les coins de rue. Rares étaient les personnes ayant cette capacité de générer une petite bille contenant toute une expérience, comme un souvenir solide et exhaustif. Mais à usage unique.

Alors les capsules ne se trouvaient pas n’importe où, et pas à n’importe quel prix. Normalement inabordables pour Mike et Javert, réservées à l’élite, à ceux de la haute. Quand l’occasion s’était présentée, ils avaient à peine hésité avant d’en voler une.


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