Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

Le maquillé


L’homme, grand mais maigre, filiforme, est assis de dos, et l’on ne peut que distinguer ses membres tenus bien droits et serrés, genoux collés, bras contre le corps et les mains posées sur les cuisses, dans son costume gris. L’arrière de son crâne, brun, ne nous apporte aucun indice.

On se décale, d’un pas, vers la droite. Le meuble apparaît devant lui, une coiffeuse à l’ancienne, étroite, avec son miroir ovale entouré d’ornements aussi délicats qu’inutiles. Et, dans le reflet, apparaît son visage.

Sauf qu’il n’y a rien, rien d’autre qu’un aplat blanc et vide, encadré sur le dessus par ses cheveux, et relié au reste du corps par le cou.

Il tend une main fine et allongée vers les instruments devant lui, et s’empare d’un pinceau et d’une palette de couleurs. Il trempe l’outil dans l’eau, puis le lève vers son visage et commence à peindre.

D’abord, un sourire. Il dévoile quelques dents, étire les lèvres, pas trop mais tout de même franchement. Les yeux, ensuite, profonds, mais pas noyés, les paupières bien ouvertes, surtout pas tombantes. Le nez, ce n’est pas très important, il faut juste qu’il reste discret.

Il revient ensuite pour ajouter des détails.

Quelques étincelles de lumière dans le regard.

Les petites rides aux plissures de la bouche, celles qui marquent le rire.

Et de même, aux coins des yeux.

Il se lève, tache gris foncé dans cette pièce grise et vide, sans mur visible. Il ouvre une porte là où il n’y avait rien, et ressort dans un monde soudain plein de couleurs, de sons, d’odeurs. Son masque est prêt, pour ses collègues, sa famille, ses amis.


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