Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

La marchande de cerfs-volants 2


– Bonjour.

– Oh, encore toi. Bonjour.

La femme, encore habillée de son tailleur qu’elle mettait pour aller travailler, jeta un regard autour d’elle. Elle reconnaissait la petite fille, et plus loin ses cerfs volants attachés à des ficelles. Et sinon, il n’y avait toujours que le nuage, blanc et moelleux.

Avec un soupir, elle se laissa tomber en position assise, rebondissant légèrement sur la matière élastique.

– C’est bizarre. Normalement, les gens reviennent pas comme ça. Mais vous, vous êtes revenue très vite.

– Et qu’est-ce que ça veut dire ?

– Je sais pas.

Une pause, pendant laquelle la petite fille prit un air songeur.

– Peut-être que ça veut dire que ça va pas très bien dans vos rêves. C’est pas stable, vous comprenez ? Pour ça que c’est plus facile d’en tomber.

Elles restèrent silencieuses un moment.

– Vous voulez pas redescendre ?

– Non, j’ai bien envie de rester un peu ici. Si ça ne te dérange pas.

Elle avait étendu ses jambes et se tenait appuyée sur ses bras tendus derrière elle. Il n’y avait pas un bruit autour d’elles, et elle profitait, paisible, les yeux mi-clos.

Elle aperçut quelque chose.

– Qu’est-ce que c’est que ça ?

Au loin, et plus haut, bien plus haut, se trouvaient deux nuages gigantesques. L’un était blanc, classiquement, mais l’autre était tellement gris et orageux qu’il en paressait noir. De violents éclairs l’agitaient.

L’enfant parut peinée.

– Ça, c’est une guerre de rêves. C’est très violent.

La femme se rendit compte qu’elle pouvait distinguer plus de détails si elle se concentrait bien dessus. D’un côté se trouvaient des licornes chargeant la tête en avant, des dragons crachant un feu intense, des elfes majestueux, des lutins en pagaille maniant des machines de guerre miniatures… Mais de l’autre s’avançaient de grandes créatures humanoïdes à la couleur terne, des voitures gigantesques qui écrasaient les petits êtres en roulant à pleine vitesse, un humain étrange dont les bras étaient remplacés par des matraques immenses qu’il maniait en tournoyant.

Elle frissonna fortement. Il lui semblait qu’elle pouvait entendre les cris de douleur depuis là où elle était.

– Où sont les miens, mes rêves à moi ?

Elle fouillait du regard le côté du nuage blanc, parmi les satyres et les magiciens, les fées et les tortues parlantes.

– Pas de ce côté-là, non. Là, tenez, il y en a un à vous.

Elle suivit le doigt pointé vers la frontière. Tout là-bas se trouvait un monstre difforme, une grande masse molle, entièrement constituée d’argent, des dollars américains d’un vert presque vif. La créature ouvrit une gueule béante, et d’un geste ingurgita une foule de rats sous le regard horrifié d’un joueur de flûte.

Elle détourna le regard.

Après un instant passé à respirer fortement, elle se retourna vers la petite fille et se leva. Elle montra les cerfs volants.

– Ils peuvent monter là-haut ?


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