Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

Corne de brume


Pour l’atelier « Lieu de pouvoir » de mon groupe d’écriture. J’en ai écrit plusieurs, que j’ai remis à leur date d’écriture.


Elle avait enfin réussi à s’approcher de la surface bleutée et presque uniforme de l’eau. Son père n’avait pas voulu la croire quand Amandine lui avait dit avoir aperçu quelque chose plus bas, bien plus bas que leurs altitudes habituelles, alors elle s’était débrouillée seule pour descendre toujours plus. Et à force de scruter cette eau à perte de vue, vide de tout, elle avait fini par repérer quelque chose de plus.

Les vents y étaient très puissants, mais elle avait réussi à approcher son île le plus possible, jusqu’à être à portée. Elle avait dû soigneusement se placer, parce qu’elle était maintenant accrochée à sa corde qui ballottait dans le vide malgré le lest. Il lui semblait parfois que les bourrasques la faisaient remonter jusque sous son île et qu’elle risquait d’en cogner le fond.

Elle fermait les yeux pour les protéger du vent, et malgré sa témérité supplia d’y arriver.

Avec un cri, elle se laissa tomber.

Elle atterrit quelques mètres plus bas et tomba à quatre pattes dans le sable, et non pas dans l’eau. Aussitôt, une rafale la fit reculer de plusieurs mètres en glissant. Plissant les yeux pour essayer vainement de se protéger des particules volant en tout sens, elle se précipita derrière un rocher. Un rocher triangulaire, de plusieurs mètres de longueur, à la surface tellement polie qu’elle en était presque devenue un miroir, allongé dans le sable comme une pointe de flèche géante qui aurait frappé l’île des siècles auparavant.

Elle s’accroupit derrière et put souffler.

Elle était sur une île, mais pas une île volante celle-là. Une île sur l’eau, et d’où elle était elle pouvait voir le sol s’enfoncer sous la surface pleine d’embruns. C’était une découverte phénoménale, il y avait bien quelque chose en dessous. Elle risqua un œil à découvert.

De l’autre côté, il y avait cette chose qu’elle avait aperçue d’en haut. C’était une forme rocheuse creuse, en forme d’écouvillon, elle ressemblait beaucoup à une corne de brume gigantesque qui dépasserait du sol. Sur leurs îles, ils n’avaient pas assez de sol pour avoir des cavernes, à peine certains pouvaient-ils avoir une cave dans leur maison. Et là, de celle-ci semblaient venir tout le vent qui lui frappait le visage, et cela l’attirait énormément.

Un grain de sable lui zébra la joue, laissant une ligne rouge sang, et elle battit rapidement en retraite. Elle se rendit compte qu’elle était restée de longues minutes fascinée.

Elle s’adossa au rocher, se mit la tête en arrière jusqu’à ce que son crâne le touche également et ferma les yeux. Elle resta ainsi quelques instants et sourit.

Elle partit soudainement, se levant et courant rapidement jusqu’à un autre rocher.

Elle avança de cette façon, par sauts de puce, pour se rapprocher de son objectif, et plus elle progressait plus les vents se faisaient forts et violents. Et enfin, elle profita d’une accalmie pour pénétrer dans la grotte.

Plusieurs heures après son intrusion dans la source de tous les vents qui frappent le monde, ce dont elle ne savait rien, le sol se mit à trembler violemment. La caverne cracha alors quelques unes des plus furieuses bourrasques qu’elle ait jamais soufflées, ce qui forma un des plus terribles nœud de vents connus. D’Amandine, son père ne retrouva que son îlot, complètement dévasté, et c’est en pleurant qu’il finit par y dresser sa tombe.


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