L’inspiration


– Allez-y, installez-vous ici. Vous voulez quelque chose à boire ? J’ai fait une limonade, si vous voulez.

– Oh, merci monsieur Rige, c’est très gentil.

Elle s’assit sur la chaise en bois, devant la table en bois, sur laquelle elle posa son ordinateur portable qui semblait détonner, trop moderne. Le vieil homme revint rapidement, avec la boisson ainsi qu’une boîte de biscuits. Ils sirotèrent un peu avant de commencer l’interview.

Elle commença avec quelques questions classiques mais toujours un peu amusantes, qui lui permettaient un peu de faciliter le début de conversation. Quelle musique il écoutait, ou sur quoi il écrivait. Elle fut surprise d’apprendre qu’il utilisait encore une machine à écrire, alors que c’était déjà dépassé quand il était né.

Elle alla ensuite sur des questions plus complexes et plus intéressantes. Jusqu’à :

– Monsieur Rige, vous avez été auteur de très nombreux livres qui ont eu un succès phénoménal au niveau mondial. Ils détonnent à chaque fois par leur originalité et leur profondeur. Où trouvez-vous l’inspiration, toutes ces idées si nouvelles à chaque fois ?

L’ancien écrivain prit un temps pour réfléchir.

– Oh, vous savez quoi, je pense que je peux vous montrer. Après tout, ma carrière à moi est terminée, je peux bien révéler mes petits secrets.

Ils sourirent et elle se leva pour le suivre. Il l’amena à une petite porte sous l’escalier, qu’il ouvrit avec une clé qu’il avait sur lui. Il alluma une ampoule un peu faiblarde, et ils descendirent un escalier raide, dont les marches grinçaient à chaque pas.

Mais au fond, changement d’ambiance. Le sol était en résine sombre et lisse. Une lumière blanche et froide émanait d’éclairages LED incrustés au plafond. Un écran trônait contre un mur, affichant des graphiques qu’elle ne pouvait prendre le temps de comprendre.

Car au milieu s’imposaient quatre tubes en verre, d’un mètre de diamètre, allant du sol au plafond. Remplis de liquide. Et surtout de corps humains, plus ou moins âgés qui flottaient au milieu.

Elle reconnut, avec effarement, l’écrivain qu’elle interviewait depuis une heure, à différents âges, de la vingtaine à la cinquantaine.

Monsieur Rige les pointa en souriant, toujours aussi affable.

– Vous voyez, ce sont des clones de moi-même. Ils grandissent un peu plus vite, ce qui est plus pratique. J’ai découvert que j’avais toujours une très bonne idée pour un roman, mais que ce n’était pas la même à chaque clone. J’ai écrit 87 livres, dont l’idée est venue à 87 Thomas Rige différents, dont 86 que j’ai fait naître et qui me l’ont ensuite confiée.

Puis, avec une grimace :

– Bon, bien sûr, c’est un peu embêtant quand il faut s’en débarrasser, après.


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