Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

Les cartes-vent


Piotr était assis sur un banc, les bras étendus sur le dossier de chaque côté. C’était un de ces bancs en étroites lamelles de bois espacées de vide, et à la courbure qui rentrait dans le dos, mais malgré l’inconfort il profitait de la petite brise.

Le vent lui porta alors une petite voix qu’il reconnut en souriant :

« Salut Piotr, c’est maman. J’espère que tu vas bien. Ça fait longtemps que tu m’as pas donné de nouvelles, alors je t’envoie cette petite carte-vent, mais il faut que tu penses à nous répondre. Chez nous ça va, je suis allé au marché tout à l’heure et maintenant je suis en train de préparer une tarte. Bon, tu connais ton père, la cuisine c’est pas ton truc, par contre il a vu une tâche dans la salle de bain et maintenant il est en train de nettoyer toute la maison. Il a même pas voulu s’arrêter pour venir te parler. Enfin voilà, pense à nous répondre, gros bisous. »

Cela le fit rire. Il se nota intérieurement de penser à lui renvoyer un message, mais ses pensées furent interrompues par une nouvelle voix, hautaine :

« Bonjour Justine, c’est maman. Quand est-ce que tu vas nous répondre, hein ? C’est à cause de cette Juliette, c’est ça ? Je t’ai déjà dit que… »

Il détourna la tête, les yeux légèrement écarquillés par la surprise de recevoir un message qui ne lui était clairement pas destiné. Mais un autre surgit alors :

« Salut, Christian, comment ça va ? J’étais avec Olivier l’autre jour, et il me racontait… »

Le vent forcit, autour de lui, soulevant les feuilles et les poussières au sol. D’autres voix se firent entendre, en même temps, « …on parlait de ce qu’il se passe en Crète, et…», « …et là, on a vu une loutre, t’y croirais pas…», « …et là, le mec, il me dit… ».

Piotr se releva et se mit à courir alors que les rafales se succédaient de plus en plus fréquentes. Dans le parc autour de lui, tout le monde se précipitait de la même manière pour se mettre à l’abri.

Une fois arrivé à son appartement, il claqua la porte derrière lui en soupirant. La tempête à l’extérieur secouait les fenêtres, et un brouhaha de paroles indistinctes perçait à travers. Ça arrivait régulièrement, quand ils avaient du retard dans l’acheminement, tout débordait d’un coup. Décidément, MétéoPoste avait toujours besoin de peaufiner ses techniques.


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