Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

Instants poétiques vol.1


J’ai pu aller faire un tour sur le premier volume des poèmes de l’ami Iceman. Iceman s’entraîne aux haïkus depuis un bon moment, et si j’ai bien compris il re-publie là quelques uns de ses anciens vers, où il n’était pas encore bien fixé sur la forme du haïku, mais plutôt sur une forme libre s’en approchant par la brièveté. Et comme je les ai plutôt appréciés, j’ai décidé de rédiger un article pour pouvoir en parler aussi longuement que je le souhaite.

À noter que, bien évidemment, les poèmes de Iceman restent sa propriété, et sont soumis à la licence qu’il a choisie. Et d’ailleurs, je ne commenterai pas tous les poèmes pour ne pas tous les recopier sur cette page.

Monde imaginaire
Attend retour dans
Une réalité de rêve

Le premier poème commence fort pour moi. On note déjà l’oxymore du troisième vers, et celui-ci donne son sens aux deux premiers. Sens dont je parlerai juste après.

D’un point de vue rythmique, je trouve cela déséquilibré. On a un vers de huit pieds pour clôturer le poème, là où les deux autres font cinq pieds. Ça me laisse une impression de fermeture un peu mal finie. Mais d’un autre côté, cela s’associe bien avec le mot rêve, faisant légèrement traîner en longueur la fermeture du poème et laissant planer une drôle d’impression, comme le reste d’un goût sur la langue. Et cette sensation entraîne ma concentration avec elle, me rapprochant légèrement, justement, du rêve.

Une rime aurait néanmoins pu permettre de stabiliser un peu le poème, sur les deux premiers vers. Tout en, je pense, gardant cette sensation sur la fin.

Monde imaginaire
Attend retour vers
Une réalité de rêve

L’oublie volontaire de l’article dans le deuxième vers fait légèrement buter la lecture, surtout la relecture. Cependant, il ajoute un flou, propre au haïku, au-delà du flou du sens des mots de Iceman. Une sorte de flou syntaxique.

Pour ce qui est du sens, il est pour moi évident. Iceman, dis-moi si je me trompe. Le monde imaginaire représente exactement ce qu’il veut dire. Un monde imaginé sans doute meilleur, par quelques concepts auxquels vous vous attachez. Pour moi, ce serait un monde plus juste, plus honnête, plus beau, plus sentimental, plus poétique au final. Un monde où l’on ne s’ennuie pas, où l’on est heureux de vivre chaque minute de sa vie. Et ce monde, d’après ce poème, ce monde serait possible. Et il attendrait juste là, à côté, à portée. Il attendrait la possibilité de venir s’immiscer dans la réalité. Et lorsque ce sera fait, la réalité deviendra elle-même un monde plus poétique, etc. Elle officiera en tant que rêve devenu réalité, en tant que réalité de rêve.

Passons à un autre poème.

Eloigné et pourtant
Si proche à ne plus
Croire au réel

Encore une fois, Iceman joue sur l’opposition, cette fois-ci avec la notion de distance. D’un point de vue technique, ce n’est toujours pas un haïku, on a 6/5/4 pieds.

Sur le premier vers, de six pieds, il y a une pause bien placée : é-loi-gné / et-pour-tant. On pourrait parler de césure bien faite si les règles de la métrique n’étaient pas aussi strictes. Sur le deuxième vers, malheureusement, c’est plus déséquilibré et cela est dû à un nombre de pieds impair : si-proche / à-ne-plus. Ce qui rend le vers un peu bancal.

Voilà une petite proposition de mise en forme différente. On y perd la décroissance du nombre de pieds, qui donne cette impression de légèreté au poème, cette sensation de vers qui montent. Ce qui par ailleurs colle bien avec l’illustration choisie par Iceman. Mais on y gagne un autre effet, et, je trouve, une meilleure stabilité.

Éloigné et pourtant
Si proche
À ne plus croire
Au réel

Je ne sais pas si c’est lié aux mores, l’unité de son élémentaire utilisée à la place des syllabes dans les haïkus, mais les vers 2 et 4 semblent faire la même longueur.

Pour ce qui est du sens, j’y vois encore la notion d’un rêve. Un rêve qui semblerait éloigné par la difficulté à l’atteindre. Mais d’un autre côté, suffisamment proche car plausible, voir réalisable. Ce rêve paraitrait proche également par la conviction que c’est ce qui devrait être, et non pas juste un rêve.

Pour clore cet article, un petit haïku que l’oeuvre de Iceman m’a inspiré.

Murmures de gloire
Vanité porte l’espoir
Chacun de s’y voir.


2 réponses à “Instants poétiques vol.1”

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  1. Avatar de Iceman

    En effet, j’avais choisi le terme « instant » justement pour revenir à la source de l’idée d’Haïku, sachant en plus que les traductions de versions japonaises ne peuvent respecter la rythmique originelle. J’ai fait justement des choix. Le dans était sans rime mais marque un choc dans la rythmique, comme un réveil. Par contre, pour le deuxième, la coupure ne me plaît pas vraiment et ta version est intéressante.
    Je suis plus circonspect sur le dernier, tant dans les mots supprimés pour conserver la règle, que dans les consonnes et les sons. Je ne conserve pas toujours la rime car elle n’est pas dans la règle, par contre, j’essaie maintenant de conserver le 5-7-5, tout autant que la césure.

    1. Avatar de Phigger
      Phigger

      Effectivement, le « dans » est plus dur que le mot « vers », je vois ce que tu veux dire par là.

      Ravi d’avoir fait une proposition intéressante ^^

      Le dernier, tu parles de mon poème ? Y a un truc en fait, c’est que j’adore le son  » oir » (comptez pas sur moi pour l’écriture phonétique). Et j’aimais beaucoup le deuxième vers.