Objet de pouvoir


Valéria pénétra dans la pièce somptueuse, un peu hésitante, comme à chaque fois. Les lourdes décorations, les meubles en bois précieux, les dorures… Tout était intimidant pour une humble servante comme elle. Elle s’empressa de remplir sa fonction, c’est-à-dire tout nettoyer soigneusement.

Cela lui prenait un certain temps. Son travail devait être impeccable, aussi était-elle très concentrée. À un moment, cependant, après avoir terminé une commode, elle leva les yeux sur la vitrine au fond de la salle.

Là, derrière la vitre, se trouvait la couronne royale.

Fascinée, elle ne pouvait plus en décrocher le regard. Plus qu’un symbole, c’était surtout l’objet qui concentrait les pouvoirs de la reine. Ceux qui lui avaient permis d’effondrer les murailles ennemies pendant la guerre des trois cents jours, ou d’arrêter la mer pendant l’inondation de la région sud.

– Je sais ce que vous vous dites.

Valéria sursauta en entendant la voix derrière elle. Elle se rendit compte qu’elle était juste devant la vitrine, s’étant avancée sans s’en rendre compte. Elle s’éloigna précipitamment et se retourna.

La reine se tenait devant elle. Sa seule présence, dominée par sa carrure et son assurance, était imposante.

– Vous pensez à ses fabuleux pouvoirs. Ces pouvoirs magiques que l’on montre au peuple, la puissance de détruire ou de protéger.

En parlant, elle se rapprochait du meuble où reposait la couronne. Elle tourna la tête et lui sourit un instant, avant de fixer à nouveau l’objet.

– Mais, voyez-vous, la réalité est très différente. Oui, quand je la porte, je suis capable de briser la roche à main nue, si je le souhaite. Mais ce n’est pas grâce à la couronne. Elle n’abrite en fait aucun pouvoir, ou très peu. C’est la foi du peuple qui fait tout. On fait de grandes cérémonies, de beaux discours. Mon couronnement était magistral, afin que vous renouveliez votre croyance en cette couronne. C’est de là que vient ce pouvoir, cette force qui me permet de plier le monde à ma volonté, quand cela est nécessaire. Mais la couronne n’est rien, rien de plus qu’un catalyseur. À peine assez magique pour transmettre toute cette énergie à son porteur.

Elle fit une pause, en regardant au loin. Valéria n’osa pas dire quoi que ce soit, se contentant d’attendre.

– Ce n’est même pas la vraie couronne. On l’a refaite par trois fois, déjà, et on la refera encore. La dernière fois, c’était pendant le Grand Incendie du château. Elle avait tellement chauffé qu’il n’en restait plus qu’une tache d’or dans un coin.

La reine rumina encore pendant un moment. Finalement, elle se détourna, en murmurant :

– Quand on pense qu’il suffirait que l’on arrête d’y croire pour que cela ne fonctionne plus…


Écrit pour l’atelier « Un objet de pouvoir » de mon groupe d’écriture


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